Mon combat contre la perfection

Pendant longtemps, dans mes moments où je me sentais complètement dépassée, quand je partageais à quelqu’un ce que je vivais, une phrase qui revenait presque systématiquement était « tu es trop exigeante/dure envers toi-même ». A un moment, j’entendais ça tellement régulièrement que j’ai commencé à questionner mon rapport à la notion de perfection. Je vous avais d’ailleurs partagé une lettre symbolique de rupture avec la perfection dans cet article.

Comment la perfection s’immisçait dans ma vie

Pour essayer d’être le plus concret possibles, quelques exemples :

Je me suis effondrée en larmes la première fois de ma vie où j’ai raté mon train, quand j’ai perdu ma carte de bus et ma carte de train en une semaine, quand je servais de copilote pour guider le chauffeur en voiture et que je me suis trompée de route… (oui c’est très transportesque tout ça !). Toutes ces situations ont quelque chose en commun : je n’ai pas fait tout parfaitement. Je me suis trompée. J’ai failli. J’ai échoué. Bref, je n’ai pas été à la hauteur de l’idéal que je m’étais fixé (même sans le formuler explicitement, parce que non je ne me lève pas le matin en me fixant comme idéal de vie : ne pas perdre ma carte de bus, ne pas louper mon train…).

Mais ce rapport à la perfection s’immisçait dans d’autres aspects de ma vie (oui parce que ça serait trop beau si ça se limitait au domaine du transport) :

dans mes relations : la moindre dispute me fendait le cœur. Une culpabilité démentielle m’envahissait dès que le ton avait monté avec un ami.

dans mon travail : il y a eu une période où toute ma vie tournait autour du travail. Mon sommeil, mes loisirs, mes sorties dépendaient intégralement de l’assurance que j’avais d’être en forme et d’avoir assez de temps pour travailler pour être sûr de rendre quelque chose qui correspondait à mes attentes. Et dans les travaux de groupe à l’université, j’avais autant d’attente envers les autres que j’en avais avec moi, ce qui n’était pas supporté par tout le monde.

Alors oui le travail a payé, j’ai eu ma licence avec mention Très Bien. Mais à quel prix..?

Un jour, lors d’une discussion avec mon père, il m’a parlé de la théorie du « 80-20 ». Cela signifie que l’on a besoin d’autant d’énergie pour faire 80% du temps travail que pour faire les 20% restants. Autrement dit, ça veut dire qu’atteindre un résultat de 100% demande deux fois plus d’énergie que d’atteindre 80%. Cette théorie est d’ailleurs venue confirmer ma propre expérimentation en master. Pendant mon dernier cycle d’étude, je n’avais pas des notes beaucoup moins bonnes qu’en licence (j’ai perdu un point de moyenne et ai donc eu mon master avec mention Bien) alors que je travaillais moins qu’en licence.

J’ai même eu un 20 à un partiel dans une matière où une fois j’avais explicitement décrété que je ne ferais pas mes devoirs pour prendre soin de mon équilibre juste une soirée. Parce que oui ce soir-là, j’avais préféré ne rien faire et de faire une vraie pause plutôt que d’être déçue de ne pas aller au bout de l’exercice en ayant tout de même la frustration de me coucher tard. Comme quoi, désinhiber notre potentiel de toute cette exigence et ce stress lui permet de plus facilement et plus largement se déployer !

J’ai aussi accepté de prendre sur moi de nombreuses fois dans la qualité des travaux de groupe rendus pour privilégier la relation avec l’autre plutôt que la note. La prise de conscience de ma mauvaise hiérarchisation de mes priorités a été difficile, mais quel grand bonheur après coup de réussir à mettre l’amour avant le travail !

Pour l’aspect relationnel, je vous renvoie par exemple aux deux articles introductifs sur les « 5 preuves que la vulnérabilité est source de bonheur » épisode 1 et 2.

Comment j’ai réussi à avancer ?

Avant de chercher à rompre avec la perfection, il m’a fallu comprendre pourquoi je la recherchais autant.

La réponse à un jour été une évidence : je me définissais par mes résultats (= faire), et non par qui j’étais, c’est-à-dire mon être profond. J’avais besoin que ce « faire » soit exceptionnel pour avoir la confirmation de la part des autres que je vaux quelque chose. Recherche de reconnaissance, quand tu nous tiens.. !

Alors quelles solutions ?

  • J’ai délaissé la recherche de perfection au profit de la recherche d’un équilibre. C’est-à-dire que si quelque chose m’atteint trop, si quelque chose anesthésie, voire détruit trop ma capacité à faire naitre la vie, c’est que je dois l’abandonner, ou au moins lui faire reprendre une juste place dans ma vie. C’est une question de hiérarchie des priorités.
  • J’ai aussi bien sûr recherché à me reconnecter à mon être et à ne plus chercher à me définir par mes actions.
  • Je crois aussi que le mot magique contre la perfection est la bienveillance. La bienveillance envers soi-même est quelque chose qui change une vie. Et pour la développer, j’essaye de vous donner des exercices pratiques dans de nombreux autres articles, comme celui-ci sur la culpabilité ou celui-ci pour s’accueillir comme un cadeau.
  • J’ai compris que la critique était inévitable et que la reconnaissance d’un travail bien fait n’est pas systématique, et que j’aurais beau me tuer à la tâche, si je travaille pour être reconnue dans le regard d’autrui, je serais toujours déçue.
  • J’ai compris que l’inverse de la perfection n’est pas l’imperfection, mais le réalisme : que nos ressources sont limitées, que rien dans ce monde n’est parfait, mais que ça n’est pas parce que ça n’est pas parfait que c’est mauvais.

Quelque chose qui m’a aidée dans ma volonté de changer de logiciel a été d’observer les réactions de mon entourage face à une même situation. Si d’autres étaient capables de ne pas se laisser pourrir par les événements et se réduire à des manquements, pourquoi pas moi ?

Perfection VS Excellence et perfectionnement (Faire de son mieux quoi !)

Attention, je ne dis pas que je regrette tout ce que j’ai fait jusqu’à présent. Il n’y a pas de avant/après en mettant à la poubelle tout ce que j’ai cherché à construire jusqu’à aujourd’hui. Ma persévérance m’a toujours permis de réaliser exactement les stages que je souhaitais (même dans des domaines où les places étaient chères) et d’avoir une formation solide pour pouvoir choisir le métier que je souhaite exercer. Au niveau relationnel, mon exigence dans le soin porté à mes relations m’a permis de construire de très belles amitiés et de ne pas perdre mon temps avec des personnes qui ne souhaitaient pas vivre la même authenticité et sincérité que moi.  Au niveau du travail, certaines personnes m’ont remerciée de les avoir poussées à donner le meilleur d’eux-mêmes car elles en avaient le désir mais n’arrivaient pas à sortir de la procrastination. Je garde bien sûr au fond de moi une discipline qui me permet d’être quelqu’un sur qui on peut compter. Et ça n’est pas parce que je grandis en bienveillance que je laisse tomber tout l’idéal de vie qui me rend profondément heureuse en rognant sur ce que je désir au plus profond de moi.

Je crois qu’il est essentiel de regarder sa vie en vérité pour discerner qu’est ce qui est motivé par de grands désirs de construire du Beau, de grands rêves de faire le Bien, et qu’est ce qui ne fait que tuer la vie en nous et notre capacité de créer. C’est toujours un équilibre à trouver entre persévérance et entêtement, rigueur et perfectionnisme… En bref, soyons à la recherche de l’excellence, de faire toujours de son mieux, de s’améliorer sans cesse, mais ne cherchons jamais à ce que nos actions ou notre vie soit parfaite.

Deux pièges à éviter lorsque l’on renonce à la perfection

Lorsqu’on prend la décision de renoncer à ce que notre faire soit parfait, il y a deux pièges qui peuvent nous tenter, en échangeant une perfection pour une autre :

  • Si j’accepte que mes actions ne soient pas parfaites, je veux alors être la fille ultra cool, hyper à l’aise avec ses imperfections. Bref, la fille que l’on admire et qui est hyper détente lorsque nous nous sommes incapables de ne pas se pourrir la vie avec des détails.
  • Si j’accepte que mes actions ne soient pas parfaite pour privilégier les relations, je veux alors aimer parfaitement. Ok j’accepte que mon gâteau soit raté, que ce projet ne soit pas aussi abouti autant que je l’aurais aimé… pour prendre soin de ceux qui m’entourent.

Sauf que renoncer à la perfection ne veut pas dire pour autant que vous serez la fille ultra détente, surfant sur les vagues des imprévus et des critiques avec agilité, ou que vous réussirez à aimer votre entourage autant que vous le souhaitez. Renoncer à la perfection, c’est faire le deuil de TOUTES les recherches de perfections.

Un combat maintenant gagné ?

J’ai rédigé cet article au passé parce que maintenant, les situations décrites sont devenues plus anodines et ne me font plus perdre pieds. Pour autant, ce combat contre la perfection reste un combat de chaque jour. Car je ne suis jamais à l’abri qu’un gros état de fatigue fasse reprendre des proportions démesurées à un événement ou qu’un imprévu fasse rejaillir en moi un de mes pires penchants.

On ne change pas en une seconde un comportement de 20 ou 30 ans. Ça demande du temps, une certaine vigilance sur le long terme et des exercices pratiques au quotidien… Mais quand on a le désir de changer, des montagnes peuvent bouger !

Musique d'illustration :  Human - Rag'n'Bone Man 

Crédit photo : 1/ Nikola Jovanovic. Edited. 2/ Jeremy Thomas. Edited.

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