« C’est pas grave », « Il faut que tu… », « Ne pleure pas » et autres phrases assassines face à l’angoisse (2/3)

Cet article fait partie d’une série « Mode d’emploi » pour comprendre l’angoisse. Si vous n’avez pas lu le premier épisode sur la définition et l’expression concrête de l’angoisse, découvrez-le ici !

Quand une personne va mal, son entourage ou des inconnus, avec souvent les meilleures intentions du monde, essayent de la rassurer. Sauf qu’il y a certaines phrases qui sont contre-productives, un peu comme le « Je t’aime mais… » que j’avais déjà évoqué dans cet article. Je comprends totalement qu’une personne qui ne connait pas ces états de mal-être ne sache pas comment s’y prendre et cherche à combler comme il peut le vide de quelque chose qu’il ne connait pas. J’espère pour autant que les quelques exemples dont je vais parler aujourd’hui vous inspireront pour avoir l’attitude la plus ajustée possible si vous êtes témoin de la souffrance d’un autre. Et si vous-même avez des crises d’angoisse, comme un bon ami ferait avec vous, appliquez-vous pour vous-mêmes ces conseils ! Ne faites pas envers vous-même ce que vous ne feriez pas à quelqu’un que vous aimez…

1. Les phrases qui rejettent l’émotion de l’autre et la pousse à refouler ce qu’il ressent

Je mets ce point en premier car il est pour moi le plus fondamental. « Ne t’inquiète pas », « Ne pleure pas », « Sois pas triste »,… Alors non, nous ne sommes pas que des émotions (ni que une raison) et il n’est pas bon de ne vivre que par ce que nous fait sentir notre intérieur. En revanche, refouler une émotion dès qu’elle pointe le bout de son nez fait des ravages énormes et il est fondamental de chercher à comprendre le message de cette émotion avant de passer à autre chose. Refuser ça à la personne en lui disant de manière détournée « tu dois ressentir autre chose que ce que tu ressens actuellement » est d’une très grande violence. Ça n’est pas être dans l’accueil inconditionnel. C’est vouloir contrôler les émotions de l’autre et non l’appeler à chercher sa propre liberté par rapport à ses mouvements intérieurs. De toute façon, ces phrases-là ne sont pas magiques. Ça n’est pas parce que vous allez dire « Ne pleure pas » que subitement les larmes vont s’arrêter et la personne va retrouver la joie. Donc à part augmenter la tension en créant de la dissonance émotionnelle chez la personne (qui est le fossé entre ce que l’on ressent et ce que l’on croit devoir montrer), cela ne va servir à rien.

2. Les phrases qui font culpabiliser

Ça n’a rien de facile que d’être présent pour une personne triste ou angoissée, je vous l’accorde. Mais l’autre chose que vous pouvez créer en demandant à l’autre de changer d’émotion, c’est de la culpabilité, en faisant comprendre à l’autre que son état vous pèse ou pèsent à d’autres. « Tu devrais sourire même si tu te sens mal pour ne pas donner de la peine aux autres ». Ça aussi c’est violent. De réaliser qu’en plus de supporter sa propre souffrance, on a maintenant la responsabilité de pourrir la vie des autres.

3. Les phrases qui dénigrent l’importance de l’événement pour la personne

 « C’est pas grave », « Arrête d’y penser », « Passe à autre chose »,… Ces phrases jugent la peine ou la peur de la personne. Si la personne s’inquiète ou est triste, c’est qu’il y a quelque chose d’important qui se joue en elle, qu’elle en ait conscience ou pas, et qui est encore moins perceptible par vous, donc il ne faut pas le minimiser. Nous n’avons pas tous la même expérience, les mêmes challenges, les mêmes peurs. Oui peut-être que pour vous, cette chose-là n’est pas importante, mais si pour l’autre ça l’est, respectez-le. Et si pour vous « c’est pas grave » veut dire « ce que tu vis est connu et on s’en sort bien » (dans les cas de rupture amoureuse, échec au permis de conduire ou n’importe quelle autre épreuve qui arrive à beaucoup de personnes…), pensez aux blessures physiques : peut-être que ça n’est pas la meilleure comparaison mais oui techniquement, si vous vous cassez le bras en faisant du sport, « c’est pas grave » car c’est quelque chose de connu que les médecins savent gérer. Mais votre douleur n’en est pas moins grande.

4. Les phrases qui appellent à l’action quand la personne n’a plus de force

« Tu dois faire ci, faire ça… », « Il faut que tu… »,… L’angoisse bouffe l’énergie qui peut potentiellement être utilisée pour aller mieux. Au cœur de l’angoisse, on ne PEUT pas agir. L’angoisse nous vide de l’intérieur.  Ça n’est donc pas vraiment le moment de proposer de grands remèdes (et encore moins avec le verbe « devoir »), car ces phrases appellent à l’action à un moment où la personne n’a plus de force pour quoi que ce soit, et dans certains cas peuvent même générer de la culpabilité si le conseil n’est pas appliqué car elle pensera « c’est ta faute si tu vas mal car tu n’appliques pas ce que te disent les autres ». Et par pitié, pas de « Quand on veut, on peut » ou de « Bon bah débrouille toi » si vous voyez que la personne n’est pas réceptive à ce que vous dites… Ça n’est pas pour rien que j’ai choisis le titre de l’article en parlant de «  phrases assasines ». Ces phrases là, elles tuent… le peu d’estime de soi qui reste dans ces moments là.

5. Les conseils ou solutions toutes faites

De manière générale, évitez de donner des conseils ou d’apporter des solutions toutes faites. En espagnol il y a une expression qui dit que « chaque personne est un monde ». La vie intérieure d’une personne est complexe (d’autant plus si vous avez affaire à un(e) hypersensible) alors vous avez plus d’une chance sur deux de faire fausse route et d’être à côté de la plaque dans votre conseil car c’est sûr que plein de choses vous échappent (certaines, dont le/la principal(e) concerné(e) n’a d’ailleurs lui/elle-même pas conscience). Et en lien avec le point précédent, vous avec plus d’une chance sur deux que ça donne à la personne juste la pression de devoir mettre en place une solution toute faite alors qu’elle n’arrive déjà pas à arrêter les larmes. Ce n’est pas des solutions pratico-pratiques que la personne cherche dans ces moments-là je pense. C’est combler ce besoin vital de se sentir aimé, accompagné. Nous y reviendrons. 🙂

6. Les phrases bateaux

« La prochaine fois c’est la bonne », « 1 de perdu(e), 10 de retrouvé(e)s »,… Je comprends que le vide peut faire peur et que vous ayez envie de le combler, mais rien de tel que le sentiment de se sentir profondément écouté, même si pas forcément compris. Et vraiment, les phrases bateaux n’apportent rien.

7. En cas de blessure d’un tiers, chercher à ce que la personne comprenne le point de vue de l’autre

« Essaye de comprendre l’autre aussi…blablabla… ». Alors oui dans l’idéal, il est bon d’amener la personne à s’ouvrir sur le monde. Mais je crois que cela vient dans un second temps. Tant qu’elle ne se sera pas sentie accueillie dans ce qu’elle vit, elle sera incapable d’avoir de la compassion envers l’autre si on ne lui en montre pas à elle d’abord. On ne peut donner ce qu’on n’a pas reçu.

8. Les phrases qui pointent les défauts de la personne, dénoncent ses choix ou critiquent sa manière d’avoir géré la situation

« Si tu (n’)avais (pas)… », « Je te l’avais dit », « Tu es trop/pas assez… »… Non, vraiment, ce n’est pas tout le moment de lui faire remarquer qu’elle a mal géré telle situation, qu’elle aurait dû faire ci, qu’elle n’aurait pas dû faire ça ou pire, si elle n’avait pas tel défaut ou tel trait de caractère elle ne serait pas comme ça en ce moment.

Je vous l’accorde, cet article est très brut de décoffrage et vous pouvez penser « ok, si on ne peut pas dire ça, qu’est-ce qu’il reste ? » Mais pas de panique ! Le troisième chapitre de cette série vous dira tout. 🙂

Si toi parfois tu as des moments d’angoisse, tu peux partager cet article à ton entourage si tu crois que ça peut les aider à mieux s’y prendre pour te rassurer. Mais n’oublie pas que, comme les cadeaux, c’est l’intention qui compte ! Alors dans le cas où une personne te dirait ces phrases et que tu as aussi ce sentiment que ça te fait plus de mal que de bien, concentre-toi sur l’intention de l’autre qui est d’être présent pour toi plus que sur ce qu’il dit. Et sois toi-même vigilant(e) à ne pas t’interdire toi-même de pleurer, à te faire des reproches, ou te dire toute autre phrase contre-productive de cet article. 🙂

Pour découvrir la suite et fin de cette série, découvre l’article ici !

Musique d'illustration : Can't even love myself - Unspoken

Crédit photo : 1/ Kelly Sikkema. Edited. 2/ Rene Bohmer. Edited.

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