Que veut dire “Aimer” ?
J’avais déjà compris il y a quelques années grâce au Langages de l’amour de Gary Chapman que nous avions tous une manière différente d’exprimer notre amour. Pourtant, ça n’est qu’il y a quelques mois, au cours d’une discussion avec quelqu’un j’ai réalisé que derrière le même mot « Aimer », chacun collait une définition et une réalité très différente d’un mot qui parait universel. Alors j’ai voulu en savoir plus. Découvrir un petit panorama de ce que signifiait l’amour grâce à un petit questionnaire envoyé aux inscrit(e)s à la newsletter. D’ailleurs, si on dit que « L’amour rend aveugle » ou que « Aimer, c’est regarder dans la même direction », il semblerait que dans l’amour se joue beaucoup une question de regard : quel regard je porte sur l’autre, quel regard je porte sur les événements vécus ensemble,… Mais quel regard porte-t-on sur l’amour lui-même ?
Ce questionnaire étant complétement anonyme, je n’ai aucune idée de la représentation qu’il donne en terme d’âge, de représentation H/F, de situation affective… Mais c’était l’idée : aller droit au but et croire qu’il n’y a besoin d’aucun critère particulier pour avoir une expérience de l’amour. J’ai tout de même réalisé à la lecture progressive des réponses qu’on comprend souvent instinctivement l’amour sous l’angle de la relation amoureuse, pourtant le monde serait bien pauvre si c’était la seul forme d’amour ! Donc selon moi il manque un petit peu la représentation de l’amour vécu dans une amitié ou une famille. En tout cas, lire les réponses m’a profondément touchée. Parce que chacun a une vision différente de l’amour, découvrir la définition d’un autre, c’est comme découvrir une forme de l’amour que je ne connaissais pas ou que je n’avais pas assez valorisée. Alors j’espère réussir à vous transmettre la douceur qui m’a habitée à la lecture de ces lignes ! Enfin, encore un grand merci à tous/toutes les participant(e)s !
Ne pouvant introduire les auteurs des citations (sauf exception pour ma famille qui n’ont pas pu se cacher derrière l’anonymat héhé), je les mettrai simplement entre guillemets parfois au cœur du texte.
L’amour implique du bonheur, un attachement à l’autre, une dépendance et tout ça ne peut se passer de la confiance comme base
Si « aimer est un des plus beaux sentiments », c’est bien parce qu’il nous rend heureux. Le sentiment, mais bien sûr la présence d’un autre « dans tout ce qu’il est, nous rend heureux. » Il y a ce truc, cette étincelle, ce ‘je ne sais quoi’, comme dirait les américains avec leur accent, qu’on ne saurait expliquer, et parce que l’homme cherche naturellement ce qui le rend heureux, quand il trouve une source de ce bonheur, il s’y attache. « Avoir un attachement fort pour une personne car elle nous amène quelque chose de spécial sans vraiment savoir pourquoi. » « Apprécier, raffoler (au sens où il y a vraiment une part de folie incontrôlée) de la présence de quelqu’un au point de vouloir l’avoir (la voir) à ses côtés juste pour le plaisir de sa présence… Tenir à quelqu’un au point de pouvoir faire des sacrifices. »
Il est donc naturel que cet attachement crée une dépendance et une part de cette dépendance est très bonne, est belle, car elle est la traduction de notre complémentarité et de notre besoin des autres car nous ne nous satisfaisons pas à nous-mêmes. Mais il n’y aurait rien de tout ça sans la base de la confiance. « Faire entièrement confiance à l’autre » est le critère indispensable pour se laisser dépendre de quelqu’un, pour s’abandonner à l’autre, sinon on reste crispé, tendu, angoissé, on se freine et on ne peut se laisser tomber dans les bras de l’autre. Aimer c’est donc dire « J’ai confiance en toi et j’accepte d’être dépendant de toi. »
L’amour s’exprime dans la simplicité du quotidien
Un des aspects de la beauté de l’amour est bien son accessibilité en toutes circonstances, parce qu’il s’exprime dans le concret simple d’un quotidien. Comme dirait ma grand-mère à mon grand-père après lui avoir rappelé pour la Xième fois de prendre ses médicaments « En te disant ça je te dis je t’aime ! ». Plus sérieusement « Passer du temps gratuit avec l’autre, se confier l’un à l’autre, rire, nous comble». Oui, le bonheur se trouve dans la joie du temps passé ensemble ou autrement dit : « Vivre de bons moments de convivialité et de partage, et plus si affinité. »
Ma grand-mère précisait qu’outre le fait de « Rendre service et poser des actes gratuits », aimer passe par la reconnaissance de l’amour de l’autre dans cette simplicité du quotidien « Aimer c’est remercier les gestes d’amour que l’autre me fait. Et je prie pour les voir car souvent on en a mais on ne les voit pas. Aimer c’est se laisser transformer. » (La dernière phrase était une parfaite transition au point suivant !)
L’amour est inconditionnel ou n’est pas
Un autre point très important qui est ressorti des réponses, c’est que l’amour est inconditionnel ou n’est pas. Amour inconditionnel reçu qui permet d’être libre d’être soi, amour inconditionnel donné et donc invitation à devenir meilleur en faisant grandir notre capacité d’aimer.
L’amour inconditionnel reçu permet donc la liberté « C’est se sentir libre d’être soi-même (dans ses bons et moins bons côtés) et offrir cette possibilité à l’autre. » ce qui est permis parce que l’autre « [est] rempli de bienveillance et de tendresse envers cette personne », est accueillant, compatissant,… Ce qui, très concrètement peut se traduire aussi par « Passer outre ses petits défauts » car l’accueille et la tendresse envers ceux-ci sont toujours plus difficiles qu’envers les qualités !
Ma sœur me partageait par exemple « Je me suis vraiment sentie devenir différente quand j’ai voulu rendre mon amour inconditionnel » et peut-être que ce « différente » veut tout simplement dire « meilleure » comme en témoigne une autre personne : « Aimer quelqu’un c’est aussi être meilleur à ses côtés, faire confiance et se laisser transporter par l’amour. »
Une autre traduction de l’amour inconditionnel est « Vouloir le bonheur de l’autre », comme le complète une autre personne «faire mon possible pour le rendre heureux, être présent pour lui. »
Je vous partage également une citation de Xavier Thévenot qui m’a été envoyée et que j’ai énormément aimée : « L’amour est toujours une capacité d’accueillir l’autre malgré les déceptions qu’il ne manque jamais de m’apporter », qu’il traduit en d’autres termes par :
Se donner
En ce dernier point, je voulais aborder une idée qui est également beaucoup revenu : l’amour n’existerait pas s’il n’était pas don. Car pour être reçu, il faut bien que quelqu’un donne !
C’est comme ça qu’une religieuse me partageait que « Depuis « Aimer c’est tout donner et se donner soi-même [Sainte Thérèse de Lisieux], on n’a rien fait de mieux. » Ce qui rejoignait une réponse reçue : « Tout lui donner, se donner totalement, de façon inconditionnelle, sans rien attendre en retour » Et si la barre parait haute quand on le décrit comme ça, mon grand-père rappelait tout de même « Aimer c’est tout donner. Or on ne peut pas tout donner donc on n’aime jamais assez. » Il ajoutait également « Donner ce qu’on nous demande dans la mesure où c’est justifié, mais aussi devancer les besoins de ceux qui nous entourent. »
En conclusion…
…la réponse de mon père, parce que je n’ai pas osé toucher une virgule à ce magnifique texte pour finir avec une touche internationale et donc universelle à l’amour :
« J’aime bien l’idée de Maurice Zundel, ce grand Suisse, qui fait la distinction entre l’amour possessif et l’amour oblatif. Les deux se nomment amour et pourtant l’un est l’opposé de l’autre : mystère de la langue française !
L’amour possessif, c’est « je t’aime pour moi, je te prends ». Exemple : « j’aime le chocolat » mais aussi quand un homme dit « j’aime les femmes » je ne peux m’empêcher de penser qu’il est dans cette logique de consommation égoïste. Dans ce sens, le verbe espagnol te quiero pour dire « je t’aime » me pose question… Au moins, les Espagnols ont l’intelligence de distinguer entre me gusta el chocolate (littéralement « le chocolat me plait ») et quiero a mi esposa (« j’aime mon épouse »).
L’amour oblatif, c’est « je me donne à toi ». Peut-être parce que cela permet de faire de la place intérieure, cela va aussi avec « je te reçois ». Je préfère donc nettement l’expression italienne utilisée pour montrer son affection : ti voglio bene, littéralement « je te veux du bien ». Si nous étions tous ainsi dans la béné-diction, le monde en serait radicalement différent, transformé, méconnaissable. Il n’y aurait pas eu de pandémie de coronavirus ou autre car tout l’argent que l’on a dépensé depuis des siècles pour se faire la guerre, nous l’aurions consacré à la fraternité, en particulier pour combattre les maladies et autres catastrophes.
Bien sûr, à part Dieu qui a choisi la deuxième option, nul ne peut être complètement dans l’un ou dans l’autre, quoique… Pour la plupart, le curseur navigue entre ces deux extrêmes et toute notre vie est un terrain d’entrainement pour passer petit à petit de l’amour possessif à l’amour oblatif. Ça se fait souvent de façon un peu chaotique, mais « c’est l’intention qui compte » !
Ce qui est important, c’est le chemin. En effet, entre « je te prends » et « je te reçois », on peut dire que le résultat est le même. Mais le processus est différent, les moyens d’y arriver sont opposés. C’est ce que n’ont pas compris Adam et Ève dans le jardin d’Éden : dans tous les cas Dieu leur proposait la vie et la connaissance, mais ils ont voulu passer par l’amour possessif, par prendre, plutôt que par l’amour oblatif et par recevoir.
Dommage que l’on n’ait toujours pas compris la leçon… »
Musique d'illustration : Love is not a fight - Casting Crowns
Crédit photo :
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