Hymne au grand Amour, celui qui aime jusque sa propre misère

Pour C.

Quand on connait l’angoisse, il y a des jours où notre mental fait l’effet de quelqu’un qui nous tabasse et continue à nous frapper même quand on est encore à terre, quand nous sommes en même temps le témoin impuissant de ce lynchage. Et alors qu’il nous matraque, il nous accuse ensuite d’avoir créé cette souffrance de toute pièce « car les limites ne sont que dans ta tête, il suffit d’un peu de volonté pour les briser. » Il y a des jours où l’on a si peur de nous confronter à l’absence de compréhension, à un silence pesant qui est vide de présence aimante, à des conseils inutiles, voire même à des critiques, des rires moqueurs ou des dénigrements, que l’on se renferme complétement sur soi. Il y a des jours où ce qui parait sortir de nous n’est que du désespoir, un appel au secours, quand notre mental hurle que personne ne viendra, qu’on a passé l’âge de croire au prince charmant et que personne ne veut d’un(e) drama queen/king dans sa vie. Et pourtant… notre cœur espère, rêve d’une personne qui saura franchir toutes ces barrières, affronter cette violence pour nous rejoindre jusque dans notre être profond. Car on sait bien finalement que notre essence est bonne, est belle, est pure. On le sait… en théorie.

Oui il y a des jours où toute notre vie ne parait que ruines. Et au milieu de toutes ces ruines, une question naïve peut-être : pourquoi n’es-tu pas cette personne pour toi-même ? Là où il manque l’amour, pourquoi n’es-tu pas cette personne qui crée de l’amour ? Parce qu’à ce moment-là, on ne trouve rien d’aimable en soi. Pourtant, c’est la solution qui parait la plus durable, la plus stable. Reconnaitre et aimer ses talents c’est déjà énorme, mais l’étape suivante dans l’amour de soi, c’est aimer sa misère pour pouvoir enfin s’aimer entièrement.

Quelque chose te dit que tu n’as pas le droit d’aimer toute cette misère, qu’il n’y a rien d’aimable là-dedans. Quelque chose en toi crève pour que cette souffrance soit connue, pour pouvoir être consolé(e)… Mais pourquoi ça te coûte tant de te donner à toi-même le réconfort dont tu as besoin ? Pourquoi ça te coûte tant de choisir d’aimer toute cette misère ? Cette solution parait à la fois si simple, si évidente, et si dure à mettre en pratique, mais qu’est-ce qui t’empêche de le faire ? Tu crois que la misère n’a rien à donner. Qu’elle ne provoque que du dégoût dans le regard des autres. Qu’elle ne donne que l’envie de fuir, de tourner le regard, de l’ignorer ou de la rejeter pour se sentir mieux. Parce que la misère de l’autre nous renvoie à notre propre misère et que personne n’a envie qu’on lui rappelle sa propre misère. Aimer cette misère t’enlèverait la honte de l’exposer et t’exposerait donc au potentiel rejet des autres. Aimer cette misère coûterait le courage d’aller à contre-courant de tous ceux qui disent qu’elle n’est pas aimable pour affirmer que même si tu es la seule personne à l’aimer, tu continueras car la majorité n’a pas toujours raison. Aimer cette misère signifierait accepter que tu n’as rien à donner et t’inviterait à entrer dans une totale dépendance d’une Source qui n’est pas la tienne. Aimer cette misère signifierait que tu ne peux pas répondre aux attentes des autres sinon grâce à ce que tu as reçu au préalable. Ça veut donc dire que si ces ressources sont données à un autre, tu es remplaçable. Et ça, ça fait peur, c’est vertigineux.

Je ne te demande pas de trouver de la force pour chercher dans tes souvenirs tes talents qui n’ont pas disparus. Je ne te demande même pas d’aller mieux. Je ne te demande même pas de croire que les autres aussi ont leurs misères, pour te rassurer. Je ne te demande pas de minimiser tes émotions pour qu’elles paraissent acceptables aux yeux du monde. Je ne te demande pas de te comparer à pire pour relativiser ta souffrance. Je te demande juste de t’aimer tel(le) que tu es. Pas seulement dans les moments où c’est facile, mais de t’aimer tout le temps, inconditionnellement.

Je te demande juste de ne pas tourner le regard devant ta misère… et de l’aimer… même si tu étais l’unique personne sur terre à le faire. Et puis si tu aimes ta propre misère, tu sauras aimer celle des autres aussi, alors le monde entier en sera gagnant. Car crois-moi, il n’y a pas que toi qui languis d’être aimé(e) jusque-là.

Dans ces moments-là, peut-être que tu fais des choses qui n’ont pas de sens. Peut-être que le monde n’absorbera jamais ton immense désir d’aimer et d’être aimé(e), tes grands besoins de connexion, d’intensité. Peut-être que tu te noies dans un verre d’eau. Peut-être que ce que tu vois dans le miroir n’a rien à envier avec ces yeux rouges et boursouflés. Peut-être que c’est injuste de trouver le monde ingrat vis-à-vis de tout ce que tu lui donnes. Peut-être que tu es une larve qui ne fait rien de sa vie. Peut-être que tu regardes plus ce qui te manque que ce qu’on te donne. Peut-être que tu souffres avec peu quand d’autres vivent de lourdes épreuves. Peut-être que tu as tendance à créer des drames. Peut-être que l’attention à laquelle tu aspires n’est pas ajustée. Peut-être que tu autonourris ton angoisse et que pour toi t’enfermer est plus facile à gérer que d’affronter le monde. Peut-être que tu crois encore au prince charmant/à la princesse idéale alors qu’il/elle n’existe pas. Peut-être que tu fuis et n’aides pas les autres à te rejoindre dans ce que tu vis. Peut-être que, après tout, il n’y a que de la misère dans ton cœur, qu’il est tout noir, et qu’il n’y a rien de bon qui puisse en sortir. Peut-être que cette misère n’a rien d’aimable et que le monde entier la rejettera s’il en prend connaissance. Si c’est en ce moment c’est ce que tu crois, je te l’accorde, car il ne sert à rien de lutter contre des croyances.

Mais toi… aime cette misère, aime toi… ça fera alors déjà une personne qui t’a rejoint jusque-là.

Sois pour toi cette personne toujours prête à te consoler, avec une oreille attentive, qui ne te juge pas, ne cherche pas à se cacher derrière un silence ou des conseils pour ne pas avoir à supporter ce portrait difficile à regarder et à souffrir de sa propre impuissance par manque de solution à apporter. Oui, maintiens le regard devant cette misère ! Et que ce regard soit doux, pour que tu puisses t’y réfugier sans crainte. Franchis pour toi-même ces barrières. Affronte les monstres qui empêchent d’accéder à ton cœur pour te rejoindre dans ce que tu vis, dans ta réalité, qui est toute aussi valable que la réalité de n’importe qui dont les émotions sont moins intenses. Tes émotions ont le droit de s’exprimer, même les plus violentes. Choisis d’être là pour accueillir leur message. Sois cette personne qui est heureuse d’être là pour toi quand les autres te disent « je ne veux pas te voir triste ».

Aimer sa misère ça ne veut pas dire ne pas vouloir tendre à être la meilleure version de soi-même. C’est juste du sens commun, de la survie, pour que toute cette violence cesse et arrête de détruire le bon en soi. C’est un principe de réalité que d’aimer ce qui est, même s’il n’est pas comme on l’aimerait.

Tu as passé trop de temps à te détester dans ta vie. Aujourd’hui, choisis de t’aimer, en commençant par ce qui est le plus difficile. Parce que chercher à aimer le plus difficile en premier, est le chemin royal pour s’aimer tout entier.

Musique d'illustration : Comme une reine - Madame Monsieur

Crédit photo : 1/ Grant Ritchie. Edited. 2/ Brigitte Tohm. Edited.

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