Lettre à la mère que je serai
A toutes les femmes déjà mères, tout particulièrement celles de ma lignée généalogique
Chère toi,
J’ai souvent pensé que je ne voulais pas être mère. Mais ces derniers temps, je réalise que j’aspire de plus en plus à un jour être toi. Même si je vois encore les mamans comme des super héroïnes et que j’ai du mal à croire comment je pourrais vivre cette mission sans y laisser ma peau. Alors j’avais besoin de t’écrire, pour te rappeler deux trois choses, parce que je sais que les angoisses et les insomnies ne manqueront pas. C’est normal, quand on est la tête dans le guidon, on perd de vue l’essentiel.
La première chose que je voudrais que tu saches, c’est que je suis vraiment, profondément, extrêmement, fière de toi. Car si aujourd’hui tu lis cette lettre, c’est que très certainement tu es mariée, parce que tu as ouvert ton cœur à un amour qui te dépasse, que tu ne contrôlais pas, et ça, ça demande beaucoup de courage. Rappelle-toi d’où tu viens… A une époque de ta vie, tu refusais que quiconque te voit un peu patraque ou pire, en larmes ou au milieu d’une crise d’angoisse. Et maintenant, regarde-toi. A une époque de ta vie, tu te définissais que par ton travail, souhaitant y consacrer toute ton énergie et ne voyant les relations amicales comme secondaires. Et maintenant, regarde-toi. A une époque de ta vie tu croyais que ton cœur exploserait si tu tombais amoureuse, car rien qu’avec tes ami(e)s, tu étais déjà capable de ressentir des sensations si fortes que tu te demandais déjà comment ton cœur pouvait encore s’accrocher et rester entier. Et maintenant, regarde-toi. A une époque de ta vie, tu ne faisais confiance à personne, même pas à toi-même. Ton cœur était complétement fermé parce que les peurs, du rejet et de l’abandon surtout, avaient pris le dessus. Et maintenant, regarde-toi. Pour tout ça, et pour TELLEMENT de choses encore, je suis fière de toi.
La deuxième chose que je voudrais te rappeler c’est : fais-toi confiance. Tu as toujours fait de ton mieux pendant toute ta vie, voire souvent, plus que ton mieux, en oubliant que parfois « le mieux est l’ennemi du bien » et que « fait vaut mieux que parfait ». Alors fais-toi confiance que tes intentions seront toujours les meilleures, et c’est juste ce qui compte. Lis, un peu. Ecoute les conseils des autres, un peu. Mais surtout, fais-toi confiance. Il est absolument impossible de connaitre l’intégralité de la crème de la crème des meilleures manières d’éduquer ses enfants. Surtout qu’en plus, beaucoup se contredisent alors de toute façon, pour une même action, certains t’admireront quand d’autres te critiqueront. Alors accepte d’agir avec le peu que tu connaisses et fais confiance qu’au fond de toi, tu as déjà toutes les ressources pour gérer l’important et que ce que tu fais es ok, est suffisant.
La troisième c’est : les mères parfaites n’existent pas. On a beau le dire en théorie, les mères parfaites n’existent pas, mais une piqûre de rappel fait toujours du bien : on ne peut pas être une bonne mère, une bonne épouse, une bonne professionnelle et une femme bien dans ses baskets tout le temps. N’oublie pas d’envoyer ch*** toutes ces injonctions de la société. Vraiment. Et n’oublie pas d’être solidaire et remplie de compassion envers les autres mères, même quand, vraiment, tu ne comprends vraiment pas leurs principes d’éducation.
Comme toujours, tu feras toujours de ton mieux, et parfois « de ton mieux » ça ne sera pas très fameux. Mais je crois profondément que vivre de manière authentique, humble, et en assumant tes imperfections est le meilleur service que tu puisses rendre à tes enfants, car c’est en leur montrant le chemin de l’amour inconditionnel de ses limites que tu leur permettras peut-être d’apprendre à faire de même. Quand tu as créé le blog Bienheureuse Vulnérabilité, c’était entre autres avec cette intention. Rappelle-toi quand tu disais « si je montre que l’on peut être heureux en acceptant ses vulnérabilités, j’espère que les autres sentiront qu’ils ont le droit de faire de même. » C’est une des manières de vivre qui te rend le plus heureuse. N’est-ce pas ce qui te rend le plus heureuse que tu as envie de transmettre à tes enfants ?
Tu n’y peux rien si tes enfants n’ont qu’une vision très partielle de la réalité et te croient infaillible. Comme tu l’as fait ces dernières années, en essayant de ne plus vivre pour correspondre à la vision que les autres avaient de toi, continues également avec tes enfants. C’est vrai que c’est chouette de s’entendre dire que tu es la « meilleure maman du monde » mais si au fond de toi tu sais, avec amour, humour et humilité que ça n’est pas vrai, tu ne chercheras pas à être fidèle à cette image qu’ils ont de toi. Tes enfants n’en ont pas conscience mais toi-même tu as été enfant, et donc c’est normal que tu agisses avec tout ce que tu es. Tu n’es pas magiquement guérie de toutes tes blessures et de tes peurs le jour où tu deviens maman. Les parents ne sont aucunement des personnes qui viennent d’une planète de super héros, triés sur le volet. Alors sois fière de toi. Et je t’en prie, arrête de croire que les autres font toujours mieux que toi. Ça n’est pas parce qu’ils cachent leurs difficultés ou qu’ils n’ont pas les mêmes que toi qu’ils font mieux que toi.
Et puis ne pas chercher à coller à une image de mère parfaite enlève la peur de briser cette image ou d’avoir une mauvaise relation avec ses enfants. Or, pour le bien de l’enfant, le bien de son couple ou son bien à soi, il y a parfois besoin d’une fermeté incompatible avec le désir de conserver une image impossible et irréelle.
Non, les mères parfaites n’existent pas, alors ne cherche même pas un dixième de seconde à essayer de l’être, ça serait te lancer dans une course où il n’y a aucune ligne d’arrivée.
La quatrième c’est : les enfants parfaits n’existent pas. Souhaite leur juste qu’ils fassent un peu mieux que toi. Et tu te rendras rapidement compte que ça n’est pas difficile. Chacun de tes enfants est une fleur. Mais si tu colles une étiquette sur le pot dès leur naissance, et que la fleur qui grandit ne correspond pas à celle que tu attendais, tu ne sauras pas te réjouir alors pourtant que la réalité sera encore peut-être plus magnifique que ce que tu avais imaginé. Et puis tu sais (oui tu as toujours aimé les comparaisons imagées), les enfants, c’est comme des pops corn : tous les grains de maïs sont chauffés dans exactement les mêmes conditions, et pourtant, ils ne font pas tous « pop » au même moment ». Chacun son rythme… Et puis rappelle-toi : on peut avoir des mauvaises notes ou être turbulent à l’école et réussir dans la vie. On peut mentir quand on est enfant et finalement être une des personnes les plus intègres de ce monde. On peut ne pas aimer jouer d’un instrument étant petit et pourtant être créatif. On peut ne jamais faire son lit et avoir une chambre en désordre et être la personne la plus structurée et rigoureuse d’une entreprise. L’enjeu n’est pas que tes enfants adoptent un certain comportement, mais qu’ils s’aiment suffisamment et sachent suffisamment s’écouter pour trouver comment ils veulent déployer le trésor qu’ils ont en eux. Alors, rappelle leur souvent qu’il n’y a rien qu’ils puissent faire pour que tu les aimes plus ou que tu les aimes moins qu’à l’instant où on t’a annoncé l’existence de chacun.
La cinquième : sois fière de la mère que tu es. Ça me brise le cœur de voir autant de mères qui font de leur mieux, qui se démènent pour leurs enfants et qui se montrent si dures envers elles-mêmes. Et en même temps, au vu du million de fois et demi où on t’a dit « Tu es trop dure avec toi-même », je t’avoue que ma plus grande préoccupation est que tu deviennes comme ses mères qui finissent par se trouver incapables et horribles juste parce qu’elles avaient en tête un objectif inhumain : garder sous contrôle la terre entière et tout ce qui constitue l’espace-temps avec le but que tout soit parfait et agir telle une personne qui n’est absolument pas touchée par la graine du mal qui combat dans le monde et dont elle a elle-même été victime. Tu trouves ça exagéré ? Réfléchis deux secondes… Et si tu tiques sur une de ces phrases, c’est que je n’ai pas si tort que ça : c’est ok d’être dépassée par les événements, c’est ok de ne pas toujours savoir gérer ses émotions, c’est ok d’être fatiguée et donc parfois dire des choses qu’on regrette (le pardon est fait pour ça et fait des miracles !!), c’est ok de ne pas avoir sa maison toujours rangée, c’est ok de remettre des vêtements de la veille à un enfant (même quand il a une petite tâche), c’est ok d’admettre qu’on a été blessée, c’est même ok de parfois avoir envie de se débarrasser de ses enfants ou de rêver d’un malencontreux ‘oubli’ pour pouvoir passer juste 24h rien que pour soi à se chouchouter (toutes les mères l’ont pensé au moins une fois), c’est ok de servir du surgelé à (presque) tous les repas, c’est ok de ne pas réussir à dire non parce que leur bouille est trop craquantes (et qu’ils ont fait un peu exprès de te manipuler)…
Et puis tant qu’on y est, la reconnaissance ne viendra pas de tes enfants. Vous n’êtes que deux à être conscient des sacrifices que tu fais. Ou peut-être même que Dieu en a encore plus conscience que toi. Mais si tu n’as pas écouté quand ils ont dit que tu étais la meilleure, j’espère ainsi que tu n’écouteras pas plus quand ils te diront que tu es la pire.
La sixième c’est : relativise les conséquences de tes actes. Alors oui, ta mère te disait « On ne sait pas le bien que l’on fait, on ne sait pas le mal que l’on fait » et ta grand-mère : « Les enfants sont les personnes que l’on blesse le plus, car on les touche dans leurs racines. Ensuite, c’est notre conjoint. » Et c’est vrai. Mais bon… d’autres sont passées avant toi, ont survécu, et ont fait un boulot pas si mal finalement (notamment ces deux mêmes personnes). Oui, il y a plein de choses que tu aimerais mettre en place dans l’éducation que tu veux donner : les principes de la communication non-violente, encourager les comportements positifs plutôt que de les prendre comme normal et uniquement réprimander les comportements punissables, parler positif en évitant les messages négatifs qui conditionnent tel que « Tu vas tomber, tu vas te faire mal… », l’amour de la simplicité et de la sobriété,… Oui, tu aimerais profondément que tes enfants aient conscience qu’ils portent un trésor unique à dévoiler au monde en temps voulu et tu as l’impression que chaque cri, chaque parole dite trop vite, chaque manquement est un immense obstacle à leur transmettre ce que tu portes au plus profond de toi. Et là rentre la culpabilité,… parce que tu as définis intérieurement quelque chose comme étant mal (en ayant allongé la liste des choses qui sont vraiment mal), si tu le fais, tu te laisses ronger par la culpabilité et oublie tout ce que tu as fait de bien en plus de te faire une montagne des conséquences de ce geste, cette parole ou cette omission. Relativise… Certains courants de la psychologie font croire qu’on passe le reste de sa vie à réparer ce que les parents ont fait de mal entre 0 et 6 ans. Mais toi tu ne crois pas à ça. Tu crois en la force de l’Esprit de Nouveauté. Tu as constaté avec ta propre vie et les témoignages de tant d’autres, que tout peut encore toujours être (re)créé. C’est le rôle de chacun de se sentir responsable de sa propre vie et de son propre bonheur, qu’importe le passé. Et puis ça n’est pas parce que les parents sont les transmetteurs de vie qu’ils sont le centre de vie d’un enfant. Tellement de choses rentrent en jeu : l’école avec les camarades et les profs, les amis, les premières années professionnelles… Bref, les enfants se remettent de beaucoup de choses. Et si ça n’est pas le cas, c’est à eux de décider de faire le deuil de l’éducation qu’ils auraient souhaitée.
Et enfin, la septième est : les enfants ne sont que de passage, contrairement à ton couple. Oui, les enfants peuvent sembler prendre l’entièreté de ton monde présent. Pourtant, dans 20 ans, ils ne seront plus là, alors que dans 40 ans, tu seras encore avec ton époux, si Dieu veut, et tu auras toujours ta propre vie à gérer et à laisser transformer. J’écris cette lettre à un âge où je prends mon propre envol et je rends grâce que mes parents aient investis sur chacun d’eux et sur leur couple autant ou plus que sur ma sœur et moi. Rappelle-toi cette vidéo de Thoraya (« My biggest challenge ») où une femme disait que les parents sont à la fois tout et à la fois rien. Peut-être qu’aujourd’hui tu sembles être tout pour tes enfants et que tout ce que tu fais impactera la personne qu’ils seront. Mais un jour viendra où eux-mêmes prendront leur envol, feront leurs propres choix et alors là, qu’est-ce qu’il te restera que tu auras construit en dehors d’eux ?
Peut-être que l’important, parce que c’est peut-être la seule chose qui dépende entièrement de toi, c’est de leur donner un exemple de personne qui s’aime elle-même avec bienveillance et compassion, avec toutes ses misères, ses limites, ses défauts, ses échecs, car de cet amour inconditionnel de soi est puisé la force d’avancer dans la vie et de rester libre. Et ça, ça n’est pas le meilleur tuteur pour grandir ? Le reste, tu feras ce que tu pourras.
PS : « On ne nait pas mère indigne, on le devient » disait Olivia Moore. Mais t’en fais pas ! Comme on peut être parfois profondément un désastre et pourtant profondément aimé(e), on peut être à la fois une mère parfois vraiment indigne et souvent merveilleuse. Les extrêmes ne sont pas toujours incompatibles.
Musique d’illustration : All day - Britt Nicole
Crédit photo : 1/ Manuel Will. Edited. 2/ Debby Hudson. Edited. 3/ Kyle Johnson. Edited. 4/ Monica Galentino. Edited. 5
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