Témoignage d’un épuisement en milieu professionnel

Aujourd’hui nous sommes le 6 février 2021. Il y a un an jour pour jour, le médecin me mettait en arrêt maladie pour une durée estimée de 100 jours. 100 jours… 3 mois et demi… Aujourd’hui je souhaitais partager ce qui s’est passé, mon histoire toute simple et tous les changements que cet arrêt ont permis d’impulser, pour participer à mon niveau à un travail de sensibilisation car je crois que toucher ses limites peut arriver à n’importe qui. Cet article a aussi pour but de donner de l’espérance à ceux qui sont peut-être en train de vivre quelque chose de similaire, en affirmant que cette épreuve peut devenir une bénédiction qui nous permet d’être plus heureux. Enfin, j’essaye en filigrane d’ouvrir des pistes de réflexion pour d’éventuels managers afin de mettre en exergue des points de vigilance et de valoriser des leviers positifs à exploiter pour faire grandir une culture de soin, base d’un management alliant santé et efficacité.

La descente

Je crois que la descente a commencé à peine l’année 2020 commencée. Dès le 31/12/2019 en réalité. Je me suis vu clairement descendre une pente, sans réussir à remonter. Je perdais du poids petit à petit, je ne mangeais plus rien car je n’avais pas la force de cuisiner et n’avais aucun appétit. Les crises d’angoisses étaient plus fortes et fréquentes que d’habitude. J’avais des colères incontrôlables sur mon équipe de travail parce que, je l’ai compris ensuite, j’étais en colère de ne pas avoir l’aide que je demandais. J’étais de plus en plus incapable de sourire, comme si je commençais une dépression. Au bout de 2 ou 3h de travail je sentais que mon cerveau grillait et j’étais incapable de continuer. J’ai d’abord eu un premier arrêt de 4 jours, la reprise fut un désastre. Un deuxième arrêt de deux semaines. Idem. Alors que dans les deux cas je passais mes journées au lit et ne faisais que me reposer. Alors avant de vous raconter comment je suis sortie de cet état d’épuisement, je voudrais revenir sur le contexte et les éléments qui ont conduit à cette situation.

Le contexte

Je crois maintenant qu’une situation ainsi arrive par le mélange de plusieurs contextes. Un contexte personnel, un contexte lié à l’environnement global de la vie d’une personne, et un contexte professionnel, même si au final tout est entremêlé.

J’ai commencé ma vie professionnelle par un CDI à l’étranger avant même la fin officielle de mes études avec un poste pour lequel je n’avais pas de diplôme donc j’ai dû tout apprendre sur le tas dans une langue que je maitrisais à peine. L’étranger impliquait aussi des voyages en France fatiguant mais également de refaire tout un réseau d’amis sur place avec tous les challenges que ça implique. En parallèle, j’ai vécu des évènements très bousculants. Sauf que ma grande force intérieure me faisais tout vivre en mode « c’est comme ça, j’accepte, j’avance », sans prendre le temps de bien encaisser la densité émotionnelle de chaque événement.

Je suis arrivée dans ce travail avec tout mon histoire, mes peurs, mes blessures que la nouveauté réveille d’autant plus. J’arrivais aussi avec mon caractère, tout le contraire d’une procrastinateuse mais qui va plutôt partir à l’assaut de ces journées avec ces 1 000 projets en tête et à une vitesse impressionnante. Une amie au lycée m’appelait « Speedy » et ma mère disait toujours « Tu veux être arrivée avant même d’être partie. » Dans mon caractère il y a aussi une immense générosité, une envie d’aider un maximum de monde, sans réaliser que ça n’était pas compatible avec un rythme tenable sur le long terme au vu de toutes les exigences professionnelles.

Voici déjà quelques éléments de contexte mais je voudrais détailler certaines raisons plus spécifiquement :

Une charge mentale plus importante que la moyenne à cause d’un déficit de confiance en soi

J’aime beaucoup l’explication de la charge mentale de Gaël ALLAIN dans son livre « Penser mieux, travailler moins ». Il explique que celle-ci dépend de la complexité de la tâche réelle, la perception de l’individu de la complexité de la tâche et nos ressources disponibles ainsi que perçues (si celles-ci sont ou semblent inférieures au travail demandé). Clairement, j’étais le cliché de la jeune professionnelle qui cherche à faire ses preuves et comme je n’avais pas confiance en mes compétences pourtant bien présentes, je ne me sentais jamais à la hauteur, j’avais peur de décevoir, de ne pas mériter mon salaire,… ce qui faisait que très souvent le travail qu’on me demandait m’impliquait une charge mentale car mes ressources étaient à mes yeux inférieures à la tâche à réaliser. J’avais d’ailleurs fait un article sur le syndrome de l’imposteur quelques semaines avant. Et donc quand on a déjà l’impression de ne pas être à la hauteur, l’idée d’exprimer des limites ou de dire non n’est absolument pas envisageable car ça nous parait inacceptable de faire encore moins que ce qu’on fait actuellement. La charge mentale grille nos forces et les crises d’angoisse finissent par nous épuiser. Car quand on n’a pas confiance en ses talents et qu’on est sujet de crises d’angoisse ou d’anxiété généralisée, chaque travail dont on a la responsabilité ou dans lequel on est impliqué n’est pas une occasion d’apprentissage sinon une potentielle occasion de décevoir l’autre.

En plus de ça, ce manque de confiance en moi me faisait appliquer les drivers appris car ils me promettaient ainsi la disparition de mes peurs. Les drivers sont des phrases implicites intégrées au cours de notre jeunesse qui guident notre action inconsciente : « Fais plaisir », « Sois parfait.e », « Fais des efforts », « Dépêche-toi » et « Sois fort.e ». Nous en avons tous un ou deux principaux. Dans mon cas, inconsciemment je pensais « si je fais plaisir, si mon travail est parfait, je serais acceptée. » Sauf qu’il y a toujours des gens pas contents, sauf qu’il n’y a humainement pas le temps en entreprise de réaliser chaque travail parfaitement. Alors j’accélérais pour essayer d’arriver à tout faire et contenter tout le monde.

De la vitesse à l’addiction au travail avec pour base une tentation de toute-puissance

J’ai déjà expliqué combien mon goût de vivre et d’avancer, mêlé à la réponse aux drivers me faisait avoir une vitesse anormale. Mais ça va bien au-delà. Et il y avait aussi clairement une addiction au travail. Un chapitre du livre « Prenez soin de votre âme, Petit traité d’écologie intérieure » de Jean-Guilhem Xerri lu pendant mon arrêt m’a aidé à le reconnaitre, notamment grâce à l’échelle de Bergen. Quand on a d’un côté une entreprise qui construit des projets avec des deadlines hyper courtes, quand on doit mener de nombreuses missions de front alors que le temps est limité, quand on a des demandes régulières de collègues qui sont classifiées « d’urgentes », la solution parfaite semble l’accélération. En parallèle, si le travail semble promettre à l’individu de se sentir utile, si un travail rapide donne lieu à de la reconnaissance de résultats exceptionnels, si une action effrénée permet de fuir ses peurs,… la solution parfaite semble l’accélération. Et s’il semble ultra normal voire valorisé d’être « débordé », la situation ne semble pas anormale et on se met à être accro à cette vitesse, à cette action. Comme l’explique Xerri :

« Le problème de fond, de nature sociétale, est que cette surchauffe permanente est valorisée. Être débordé est fréquemment perçu comme un signe de réussite, voire d’accomplissement, et de performance qui amène la reconnaissance de ses supérieurs. Corrélée avec notre peur du vide, de l’échec ou de l’ennui, elle s’accompagne souvent d’une perte de lucidité : surengagé, sous pression, on est pris dans un engrenage d’efficacité et de productivité parfois euphorisant mais souvent épuisant. » Or, « du surmenage et de l’hyperactivité aux addictions, il n’y a qu’un pas…»

Et pour une entreprise, c’est intéressant quelqu’un qui produit autant ! Donc elle n’est pas non plus capable de réaliser que la personne se met en danger.

Cette vitesse ne me permettait pas de sentir l’approche (ou le dépassement) des limites tellement je ne m’arrêtais jamais. Sandra Borré, du blog Effervescience, explique très bien dans son e-book que « Non, le burn out n’est pas une pile qui se vide » mais est plutôt comme une pile qui s’oxyde de l’intérieur mais qui reste pleine en apparence.

« Elle brûle de l’intérieur. Elle va se remplir de cortisol, une hormone qui va aider l’organisme à gérer le stress sur la durée, à résister et mobiliser les ressources, mais qui est nocif en excès. La pile semble pleine, mais le stress chronique va l’user, l’oxyder, et ton organisme va s’affaiblir, jusqu’à être à court de cortisol. Et bim, ta pile est cramée ! »

Tout ce que je vivais (toute l’adaptation dont j’ai fait preuve avec ce changement de vie ou les événements plus douloureux, toutes ces peurs que ma vie professionnelle révélait,…), mettait mon corps en stress et le fait que je continue d’avancer par ce qui était en partie de la force de vie et de la résilience, ne m’a pas permis de réaliser que je fonçais dans le mur. On ne se rend pas compte qu’on va droit dans le mur. Y a un truc chimique en nous qui agit pour nous faire tenir. C’est pour ça que la veille de mon premier effondrement, je me revois encore dire à mon chef combien j’étais heureuse de mon travail et de ma vie… J’étais complétement aveuglée.

Et finalement la base de tout ça était une tentation de toute puissance. Comme la vulnérabilité a si peu de place en entreprise et que le sujet est tabou, on n’en parle tellement jamais qu’on finit par croire soi-même que l’on n’a pas de faille, que l’on n’a pas de limite. Et oui, même moi, avec pourtant un blog qui s’appelle « Bienheureuse Vulnérabilité », je suis tombée dans cette tentation de la toute-puissance. Parce que ça avait l’air de fonctionner ! J’arrivais à assumer une montagne de travail, et j’étais reconnue pour ça, sans a priori aucune conséquence. Alors bien sûr qu’à court terme ça fait rêver de croire qu’on n’a pas de limite.

Le manque de cadre et d’aide dont j’avais besoin

Le dernier élément sur lequel je voulais revenir est la question d’avoir un discours clair en tant que manager. Clairement, dans mon histoire, à part peut-être avoir manqué de formation sur des sujets comme le burn out, l’addiction au travail,… qui m’aurait fait réaliser tout le mécanisme dans lequel j’étais, l’entreprise a très peu de responsabilité dans ce qui m’est arrivé. Il n’y a pas eu de harcèlement ou une charge de travail objectivement inhumaine comme il y a dans certains burn out.

C’est un cadeau énorme d’avoir un manager qui croit en nous, qui nous encourage et qui donne la chance à une jeune. Mais quand on fait tout pour la première fois, on a besoin d’aide, on a besoin d’être accompagnée, même quand on cherche à voler soi-même de ses propres ailes le plus vite possible.

De plus, en tant que jeune professionnelle, sans expérience (car les stages n’ont pas les mêmes enjeux de responsabilité), ça n’est pas évident de savoir clairement ce qui est attendu de nous, jusqu’où s’arrêter, surtout quand on cherche une référence à suivre en observant les autres et que nous avons vu combien il était valorisé d’être débordé. C’est connu qu’un enfant a besoin de limites, d’un cadre… Et bien là c’est pareil.

Je n’acceptais pas du tout l’idée d’être une personne à risque de burn out, bien qu’une psychologue m’avait prévenue quelques années avant que j’étais « une excellente candidate au burn out ». J’avais déjà vécu moi-même un épuisement en 2017 et pensais que, parce que j’avais vu le processus et que j’avais été témoin de burn out bien plus violents, je ne referais pas les mêmes erreurs. J’avais d’ailleurs partagé un article avec des leçons que je croyais avoir apprises au cours de ma première année de vie professionnelle mais pourtant je suis tombée dans les pièges que je dénonçais. Il parait en effet que le trajet de la tête au cœur est le plus long qui existe sur cette terre. Découvrir quelque chose est bien différent de l’intégrer au plus profond de soi.

Le déclic

Comme je le disais donc, j’étais en train de complétement couler sans même m’en rendre compte. Et il y a eu trois événements qui ont été un déclic pour tirer la sonnette d’alarme auprès de mon responsable.

Premier déclic : un ami m’a fait prendre conscience que, si l’amitié de mes collègues était absolument incroyable, à ce moment là ça n’était pas d’amour dont j’avais besoin mais d’aide concrète.

Deuxième déclic : Un autre ami m’a fait prendre conscience que ce que je vivais n’était pas normal et que donc non je n’étais pas quelqu’un d’incompétent et explosé mais que j’avais uniquement besoin de repos.

Troisième déclic : Je suis (re)tombée sur un schéma réalisé par Clément Delespaul, fondateur de l’entreprise Kintsugi RH et coach, qui m’a fait prendre conscience que je vivais déjà les premiers signes du burn out. Ce schéma m’a amenée à contacter Clément et son expérience m’a encouragée à m’arrêter maintenant pour ne pas laisser la situation encore plus s’empirer.

Quand on lit des témoignages de burn out, ça peut paraitre effarant de voir l’état dans lequel sont les personnes qui s’effondrent littéralement, rendant parfois impossible tout mouvement. Ça parait démentiel. Mais une des choses qui empêche de s’arrêter avant sont ces phrases dont Sandra Borré donne l’exemple : « Si je m’arrête j’aurais trop de retard en revenant », « J’ai plein de dossiers super-méga importants à boucler pour hier ! », « Je peux pas laisser mes collègues se taper tout le boulot ! », « Je veux travailler »,… Il y a plein de choses qui paraissent inenvisageables. C’est juste pas une option. On ne se donne pas le droit. Alors pourtant que c’est la base même du soin de soi de s’arrêter quand notre corps ou notre psychisme souffre… Oui il y a des choses qui ne sont pas normales et qu’on ne doit pas autoriser (sans chercher absolument au début à comprendre comment on en est arrivé là ou la part de responsabilité de chacun). Parfois, un arrêt maladie d’une ou deux semaines six mois avant aurait évité un arrêt de plusieurs mois un peu plus tard. Et des situations comme ça arriveront tant que l’on fera passer ne serait-ce qu’un instant le travail avant notre équilibre personnel et notre santé. Ça parait anodin de rogner sur son bonheur ou sur son équilibre perso. Et puis on pense qu’on n’a pas le choix, pour les nécessités de notre travail et parce qu’on se sent responsable. On n’imagine pas un instant que ça se répercutera sur notre santé. On ne voit pas le lien. Et pourtant les termes « santé mentale » existent bien.

L’arrêt maladie

J’ai une reconnaissance profonde envers l’entreprise où je travaille, à travers ma hiérarchie, dans sa manière d’avoir géré la situation en amont, et ensuite dans le retour au travail. Mon N+1 (en Espagne) et ma N+2 (au siège français) ont complètement accepté l’arrêt et m’ont encouragée à faire ce qu’il fallait pour prendre soin de moi. Des collègues ont pris de mes nouvelles pendant l’arrêt, par téléphone ou Linkedin. Et à aucun moment ma place dans l’entreprise à la fin de l’arrêt a été remise en cause. Et cette sécurité était un gage inestimable de sérénité pour se reposer.

Je crois maintenant que si certains comportements ou souffrance au travail sont inévitables, parce qu’il y a objectivement des enjeux de performance, il est important que tous soient capables de repérer les signes pour s’arrêter à temps (ou simplement changer ses habitudes pour éviter un arrêt) ou si de toute façon un arrêt maladie semble inévitable, que celui-ci soit une véritable opportunité pour le travailleur et l’entreprise. Car oui, quand une personne engagée est en souffrance, c’est le lien entre elle et l’entreprise qui est en jeu. Le risque est réel que la prise de distance conduise au désengagement total de la personne. Le but est donc, si possible et si souhaitable, de ne pas laisser ce lien se rompre. Mais si (je crois) qu’en France il est interdit de prendre contact avec le salarié en arrêt, sentir qu’on garde la confiance de l’entreprise est fondamental pour se laisser le temps de bien récupérer. C’est-à-dire que oui elle ne doit pas nous appeler pour des sujets professionnels, sans pour autant couper les liens avec les personnes avec qui on a une amitié en plus du travail. Oui, si l’arrêt est déjà là, le voir comme un vrai bénéfice, comme un investissement. Parce que de toute épreuve un plus grand bien peut sortir. Ça demande de regarder son propre caca (excusez l’absence de filtre) et celui de l’organisation et avoir la force d’en discuter avec les décisionnaires. Mais si l’arrêt rappelle au salarié son humanité dans toutes ses limites suite peut-être à une volonté de toute puissance, toute l’organisation peut bénéficier de cette expérience. En tout cas je crois profondément que, à mon petit niveau, ça a été le cas là où je travaille.

J’ai donc été mise en arrêt le 6 février 2020 et ai eu l’immense bénédiction d’avoir un médecin compréhensif sur mon besoin de rentrer dans ma famille. Je suis donc allée chez mes grands-parents. Je sais que tout le monde ne peut pas avoir un « lieu refuge » pour se reposer et se laisser chouchouter mais il est vraiment difficile de se reposer quand on a des choses à gérer, aussi basiques que soient les tâches comme le ménage ou la cuisine. C’est d’ailleurs un premier pas pour sortir de l’autosuffisance, liée à la toute-puissance : se laisser dépendre d’un autre.

Même si j’avais été à l’initiative de cette demande d’arrêt au vu de la conscience de l’importance de celui-ci, ça a été vraiment dur de l’accepter. J’ai mis un mois à accepter la situation et arrêter de le voir comme un échec ou un manque de compétence. Car oui si maintenant je crois aujourd’hui que les gens qui font des burnouts sont des gens engagés, passionnés pour leur travail et désireux de donner le meilleur d’eux-mêmes, au début ça n’était vraiment pas le cas. Ça ne veut pas dire que ceux qui ne font pas de burn out ne sont pas engagés ! Ils sont peut-être juste mieux armés pour gérer cet engagement.

Pendant l’arrêt j’ai vite compris que le corps était un être vivant qui, comme n’importe quel autre être vivant, si on n’en prend pas soin pendant un temps, a besoin de beaucoup (beaucoup) de temps pour récupérer, se réparer. Et ça c’est dur à accepter quand on aime travailler, créer, rendre service, être utile… et qu’on souffre de son impuissance à pouvoir réaliser la plus petite action tant les forces manquent. Moi qui ai toujours été une lève tôt naturellement (entre 6h30 et 8h30 sans problème toute l’année sans réveil même pendant les vacances), là je me suis mise à me réveiller entre 9h30 et 11h tous les jours avec de grosses difficultés à sortir du lit, malgré les longues siestes quasi quotidiennes. C’est seulement au bout de 3 mois (2 semaines avant la reprise) que mon corps a repris son rythme naturel, même bien après que les forces physiques soient revenues pendant la journée. Il faut du temps… beaucoup de temps… C’est une des clés pour que cette épreuve se transforme en tremplin positif.

Et puis… après des journées à ne faire que dormir, des semaines à être en mode larve, j’ai récupéré un peu de force et ai commencé à chercher à comprendre.

Les fruits cueillis de cet arrêt maladie

Aujourd’hui je regarde cet arrêt maladie comme une des meilleures choses qui me soit arrivée dans ma vie, même pour des raisons qui vont bien au-delà que mon changement de rapport au travail. Car cet arrêt m’a poussé au plus profond de moi-même, à regarder le pire en moi pour l’intégrer et voir ce que je pouvais en faire. Les articles les plus forts du blog sont nés de cet arrêt : mon détachement de la société, l’acceptation de mes faiblesses les plus douloureuses, l’acceptation de mon angoisse, la compréhension de l’origine du tyran intérieur, la compréhension des mécanismes qui nous déconnectent du vivant… sont des étapes que j’ai vécues pendant cet arrêt ou les semaines qui ont suivies.

J’ai pu prendre le temps de faire une analyse de tous les détails de ma vie professionnelle pour voir où est-ce que je pouvais améliorer mes habitudes, j’ai osé reconnaître mes compétences en les écrivant, repréciser ma fiche de poste avec mon manager pour en définir clairement les limites. Le but n’est pas du tout de rentrer dans la performance pendant l’arrêt, ça serait la pire chose à faire ! Mais l’idéal est vraiment de préparer au mieux le retour au travail, pour que cet arrêt soit un investissement sur soi, quitte à prolonger l’arrêt maladie plus longtemps que le corps a besoin pour aller mieux. J’ai été en arrêt trois mois et demi. Mais je crois qu’au bout de deux mois ou deux mois et demi, mon corps avait globalement récupéré ce dont il avait besoin. Mais psychologiquement je n’étais pas prête. Ou plutôt, si j’avais repris en ne prenant que mon corps comme réalité, sans faire un travail de compréhension de ce qui s’était passé, si je n’avais pas aussi pris en compte l’aspect « maladie » psychologique et spirituelle (c’est-à-dire travailler sur ces dysfonctionnements de croyances ou de comportements dont j’ai parlé dans le contexte), je serais revenue exactement pareille que quand j’étais partie. Et ça n’est pas le but. Le but est de revenir plus fort, d’apprendre de l’expérience, pour que le retour soit un vrai succès. Et dans mon cas, je savais que grandir en amour de moi résoudrait beaucoup de mes problèmes. Je ne vais pas rentrer dans le détail des fruits cueillis (parce que certainement qu’ils ne peuvent pas être généralisés et le but de cette histoire est surtout d’expliquer le processus que j’ai vécu), mais encore une fois la vulnérabilité a été une maitresse d’une sagesse absolue et m’a offert des cadeaux qui ne s’achètent pas mais que seule l’expérience offre à celui ou celle qui tente de regarder à l’intérieur de soi pour grandir.

La reprise du travail

Je crois que la reprise du travail est une étape à ne pas louper, aussi importante que l’arrêt en lui-même. Comme j’en parlais précédemment, un des principaux obstacles au changement est qu’on croit qu’on ne peut pas faire autrement. On hypothèque notre liberté en étant persuadé que c’est la seule solution.. On oublie qu’on a une marge de manœuvre… ou on ne s’aime pas assez soi-même pour se donner le droit de la saisir. Comme disait Christel Petitcollin dans son livre « Je pense trop » :

« Les ennuis commencent quand le besoin d’être aimé est plus fort que le besoin d’être respecté. »

Oui, j’ai compris au prix d’une leçon qui a coûté cher que c’est un vrai problème de chercher à se faire aimer avant de se faire respecter. « Aimer » peut être remplacé par « accepter » « prouver qu’on est légitime », « reconnu »,… autant de déclinaisons que de manière de vivre un manque d’amour propre. Je crois qu’une grosse clé pour éviter l’épuisement en milieu professionnel est de s’aimer. Ça parait certainement gnangnan mais c’est vrai. S’aimer assez pour écouter son corps et son cœur, s’aimer assez pour ne pas croire de potentielles personnes toxiques qu’on n’est pas à la hauteur, s’aimer assez pour faire passer le respect de ses limites avant n’importe quelle mission (ou alors s’offrir une vraie compensation pour récupérer en cas d’enjeu qu’on trouve vraiment important), s’aimer assez pour croire que notre valeur ne dépend pas de cette erreur ou de ce refus, s’aimer assez pour croire que sa vie, sa santé, son bonheur, ont plus de valeur que n’importe quel job, bref, s’aimer assez pour se donner le droit de prendre soin de soi. Et donc comme je le disais au début de ce paragraphe, croire qu’on ne peut pas faire autrement est un mensonge. L’idée est donc d’oser changer ses habitudes. Ça passe par un travail de renoncement des bénéfices secondaires, mais ça vaut le coup. Je vais essayer de vous partager maintenant les quelques changements qui ont transformé ma vie professionnelle.

Dans les mois qui ont suivi la reprise, j’ai beaucoup lu pour me former. J’ai lu sur l’écologie mentale pour mieux gérer les ressources du cerveau (via l’excellent livre de Gaël ALLAIN dont je vous parlais précédemment) et mis en place beaucoup des principes préconisés dans le livre (sur l’arrêt du multi tâche, la gestion des interruptions, l’importance des temps de pause,…). J’ai lu sur le slow business pour réapprendre à avoir un bon usage du temps au travail (grâce au super livre de Pierre Moniz-Barreto « Slow business, Ralentir au travail et en finir avec le temps toxique »). Je vous conseille aussi l’excellent webinair d’initiation « Slow working : 10 clés pour travailler moins mais mieux » où Diane Ballonad Rolland, fondatrice de Temps et Equilibre est interviewée par Fabienne Broucaret, fondatrice de My Happy Job.

Et puis j’ai cherché à me reconnecter à la nature et à la nourriture pour donner à mon corps ce dont il a besoin nutritivement (car j’ai constaté l’ampleur de tous les services qu’il me rend sans m’en rendre compte). Je me suis reconnectée à mon essence d’être au vivant, à ma féminité et à ses cycles… J’ai osé ne plus chercher à prouver que je donnais mon maximum en étant sans cesse débordée pour au contraire travailler ma qualité de présence aux autres, un outil fondamental travaillant en Ressources Humaines. J’ai essayé d’apprendre à me donner à moi-même ce dont j’avais besoin plutôt d’attendre que les autres respectent mes limites si je ne le faisais pas moi-même. Et j’ai même osé demander à l’entreprise ce dont j’avais besoin pour travailler dans de bonnes conditions, même quand ça pouvait paraitre impossible… et on est toujours surpris de voir que les organisations sont bien plus à même de soutenir leurs salariés que ce que l’on pense (ou je travaille peut-être dans une entreprise exceptionnelle, c’est possible aussi !). Je valorise énormément le fait que ma hiérarchie n’a pas perdu confiance en moi malgré l’arrêt. En tant que représentant de l’entreprise, leur soutien pour traverser cette épreuve m’a permis de retrouver un engagement sain à mon retour. Que tout ce qui a été investi pour mon apprentissage n’ai pas été en vain et l’entreprise a ainsi pu profiter à nouveau de mes compétences d’une manière beaucoup plus durable.

Le télétravail est bien sûr une aide incroyable dans cette recherche du rythme qui me convient le mieux. Parfois je retombe dans la spirale de rapidité. Mais comme j’ai grandi en écoute de mon corps, j’essaye de compenser pour ne pas accumuler. Et puis ça arrive de moins en moins souvent car à chaque fois c’est l’occasion de rajouter de nouvelles habitudes comme de nouveaux gardes fous.

Et si vous voulez tout savoir, je n’ai pas eu moins de reconnaissance sur la qualité de mon travail qu’avant. Comme quoi, cette course à (entre autres) la reconnaissance, était bien inutile. Dans les quelques semaines après la reprise, j’ai même eu deux collègues qui ont posté un message public sur Linkedin de remerciement ! C’était la première fois que ça m’arrivait…

Et après un travail préparatoire de plusieurs semaines, le 2 février dernier, j’ai donné ma première formation « Bienêtre et Talent » à une soixantaine de cadres de l’usine espagnole où j’ai pu commencer à transmettre le fruit de toutes mes recherches sur comment améliorer notre bienêtre au travail afin de déployer tout notre potentiel. (Et ça, c’est beaucoup beaucoup de joie pour moi !!)

Conclusion

Chaque histoire est unique ! Celle-ci n’est que la mienne, et mon propos n’est pas forcément généralisable. J’espère juste participer au spectre de tous les témoignages pour qu’on ose de plus en plus aborder les sujets évoqués et ainsi éviter à d’autres des souffrances. Car oui souvent, l’homme attend que la souffrance soit plus grande que la peur (ou la flemme) de changer pour impulser un changement. Mais vraiment, c’est une mauvaise idée ! Soyons chacun responsable de notre vie, acteur de notre bienêtre. Oui c’est vrai que parfois il y a des personnes toxiques, des managements qui dysfonctionnent, une charge de travail élevée mais au final personne ne vous oblige à rester dans un environnement qui ne vous convient pas. Et quand l’environnement est globalement sain, ne laissez pas aux autres la responsabilité de votre bien-être. Oui ça demande parfois d’affronter ses peurs que de poser des limites. Mais les gens sains sont reconnaissants envers un discours clair.

Et à partir du moment où chacun prend sa part de responsabilité, à tous les niveaux de l’organisation, c’est ainsi que la culture de l’entreprise pourra évoluer pour respecter l’unité de la personne ou encore arrêter avec cette croyance que le personnel n’intervient jamais dans la sphère professionnelle. Oui l’entreprise a une responsabilité de sensibiliser ses collaborateurs aux risque psychosociaux mais chacun peut participer à alimenter la confiance des autres en donnant la reconnaissance que l’on souhaite avoir, en étant bienveillant envers les limites de nos collègues ou en étant vigilent à qu’ils ne mettent pas en danger leur santé.

MERCI d’être arrivé jusqu’ici… Plus que jamais, prenez soin de vous… et aimez-vous beaucoup !

Musique d'illustration : Slow down - Imany

Crédit photo : 1/ Austin Chan. 2/ Stef Versoza. Edited. 3/ Kinga Cichewicz. Edited. 4/ Kintsugi RH 5/ United Nations Covid 19 Response. Edited. 6/ Anton Romanov. Edited. 7/ Ross findon. Edited. 8/ Samuel Zeller. Edited.

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4 Comments

  1. Ribambelle

    4 juillet 2021 at 6:56

    Encore une belle relecture… avec en plus, un essai transformé : des compétences en plus !
    Bravo.!

  2. Ch'tite Breizh

    15 février 2021 at 6:54

    Merci pour cet article qui à une résonance particulière pour moi après les derniers mois que j’ai passé au travail…
    Le schéma de Clément Delespauls est très parlant et m’a vraiment fait pensé à la fin de l’année 2020 qui a été compliqué pour moi! Heureusement j’ai su prendre du recul tout le mois de janvier et je repars sur de bonnes bases! Encore merci pour tes articles! 🙂

    1. Bienheureuse Vulnérabilité

      15 février 2021 at 8:29

      Je me réjouis que ça aille mieux maintenant car à tes premières lignes je commençais à m’inquiéter..! Courage pour la suite. 🙂

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