Lettre de deuil à mes cheveux

Cette lettre a été écrite par une personne ayant perdu quasiment tous ses cheveux. Quand on voit la place de ceux-ci dans l’image qu’on a de la beauté de la femme, j’aimerais vraiment que ce texte soit un message particulier pour toutes celles qui sont passées par cette épreuve : « Vous n’avez rien perdu de votre beauté. Vous êtes toujours aussi belles. »

« Chers cheveux,

Après la réconciliation avec ma main droite, je voudrais faire le deuil de vous tous qui m’avez auréolée de soleil et tenue chaud l’hiver.

Née bébé chauve, il y a de grandes chances pour que je meurs de même (chauve, pas bébé ! quoique…). Après quelques mois de vie, vous avez enfin daigné pointer le bout de votre nez. Tellement clairs, presque blancs que vous en étiez quasi invisibles. Puis vous avez foncé un petit peu pour obtenir une belle couleur blé. Mes amies de collège me voyaient boulangère car vous auriez été assortis à la matière que j’aurais travaillée. Quelques cheveux noirs apparaissaient sous cette chevelure épaisse, ceux qui n’était pas ou peu exposés au soleil. Quel symbole ! Vous avez continué de brunir jusqu’à atteindre un blond foncé. Puis vous avez commencé à partir, les uns après les autres, sans retour, sans que je ne puisse rien faire. RIP. Peut-être que le peu qui me restera dans ma vieillesse repassera par le blanc avant de disparaitre. Cela fera un parfaite courbe gaussienne de couleurs (blague de matheuse).

Pas facile alors que j’avais l’impression d’être la seule personne au monde à aimer ses propres cheveux, tels que vous étiez. Ceux qui ont les cheveux lisses les veulent frisés et réciproquement. Vous, vous étiez ondulés. Le parfait milieu et j’en étais très fière. Les personnes aux cheveux gras enviaient votre sécheresse et mon lavage seulement hebdomadaire. Et effectivement, je préférais ma place que la leur. Et l’épaisseur ! Que de fois, j’ai entendu des personnes aux cheveux plats et sans forme ou aux cheveux épais à en casser la brosse de voyage qui n’étaient pas pleinement satisfaits de leur sort. Vous, c’était pile poil (si j’ose dire).

On m’a souvent complimentée sur votre couleur. On me demandait même de vous détacher pour que vous flottiez au vent. Je ne le supportais pas, vous m’empêchiez de voir le monde. Sauf pour jouer la reine Esther une fois, mais j’étais dans un rôle. Je suis bien restée 10 ans avec une simple queue de cheval faite en un tour de main le matin. Puis j’ai dû passer au chignon à pince pour cacher la misère, cela compliquait la routine toilettage les soirs de nuits en collectivité. J’ai tenu 5 ans. Et me voilà maintenant à devoir changer mon « chapeau » chaque année ! Calvaire capillaire !

Mais maintenant je vois la perruque comme un avantage. Je ne me suis jamais coiffée aussi rapidement le matin et pour la grosse dormeuse que je suis, c’est extra. Je ne suis plus stressée et je n’embête plus ma sœur toutes les cinq minutes pour lui demander si chacun de vous est à sa place et si le cuir chevelu (ou presque) n’apparait pas. Ça tient encore plus chaud l’hiver, pas besoin de bonnet sous le casque à vélo. Et j’ai appris à m’accepter comme je suis. J’apprends même à l’aimer. Quitte à passer le restant de nos jours ensemble, autant bien s’entendre. Pour l’anecdote, après être passée aux cheveux synthétiques, quelqu’un qui ne soupçonnait rien m’avait demandé si je vous avais donnés à une association pour en faire des perruques naturelles. Marrant !

Je suis même passée de la contrainte de devoir dire que je vous perdais quand j’y étais obligée à la liberté d’en parler lorsque c’est nécessaire. En gros, c’est la même chose mais je le vis beaucoup mieux.

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter bon vent dans les ondulations du voyage final au paradis des cheveux perdus.

Marie*  »

PS : Le meilleur moyen d’éviter la chute des cheveux, c’est de faire un pas de côté. Groucho Marx

Musique d’illustration : Feeling good - Nina Simone

Crédit photo : Ahmed Carter. Edited.

*Le prénom a été changé

4 Comments

  1. Ch'tite Breizh

    4 août 2018 at 10:16

    Mais quel texte magnifique! Juste merci!

    1. Bienheureuse Vulnérabilité

      7 août 2018 at 5:11

      Oui, encore merci l’auteur !

  2. Ribambelle

    15 juillet 2018 at 6:11

    « …passée de la contrainte de devoir dire que je vous perdais quand j’y étais obligée à la liberté d’en parler lorsque c’est nécessaire. » Quel chemin..! Chère Marie, tu peux être fière de toi. Et t’en aimer encore plus !

    1. Bienheureuse Vulnérabilité

      16 juillet 2018 at 6:05

      Merci pour elle pour les encouragements ! 🙂

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